Gouvernance et Conflits dans les établissements publics de santé :

Quelle gouvernance à l’Hôpital public ?

         1- La gouvernance médicale :

-          Il n’y a pas de hiérarchie médicale. Il existe une autorité fonctionnelle assurée par des praticiens auxquels des missions particulières leur ont été confiées : responsable d’unité, chef de service, chef de pôle, président de CME…

-          Ces missions sont définies réglementairement par les lois hospitalières et leurs décrets d’applications : HPST a été catastrophique et elle a dégradé les rapports humains à l’Hôpital public. La Loi de Modernisation du Système de Santé de Marisol TOURAINE a partiellement rétabli une « démocratie » hospitalière mais son contenu est encore mal connu et assez peu diffusé.

-          Destinée à médicaliser la gouvernance globale de l’Hôpital, la gouvernance médicale devrait permettre au praticien d’exercer de manière optimale.

-          Elle devrait être le vecteur ascendant et descendant de l’information, des projets et des décisions, notamment celles qui concernent les nominations et les évolutions des structures internes et des organisations.

2- La gouvernance administrative :

-          La seule autorité hiérarchique du praticien hospitalier est celle qui a le pouvoir de nominations et de sanctions. C’est la Ministre de la Santé qui est investie de cette autorité qu’elle délègue en tout ou partie à la Directrice générale du CNG (Centre National de Gestion).

-          Cette autorité garantit statutairement au praticien hospitalier son indépendance professionnelle.

-          Le praticien hospitalier est un agent public exerçant sous statut et ne fait pas partie de la fonction publique hospitalière (FPH).

-          Le Directeur d’hôpital détient une autorité fonctionnelle vis-à-vis du Praticien Hospitalier. Cette autorité fonctionnelle lui revient de droit par sa mission d’assurer un fonctionnement optimal de l’Etablissement Public de Santé dont la direction lui a été confiée.

-          Il n’y a pas de lien hiérarchique entre le Praticien Hospitalier et le Directeur d’hôpital.

L’INPH participe à l’information des Praticiens Hospitaliers et à la protection de leurs droits.

Quels conflits à l’Hôpital public ?

1-Les conflits entre Praticiens Hospitaliers : ce sont les plus fréquents. Aucun établissement n’est épargné !

-          A l’intérieur des services :

Entre Praticiens Hospitaliers : les conflits ne sont pas rares, ils sont rarement indépassables.

Deux causes majeures :

-          la charge de travail, des praticiens ayant souvent l’impression de travailler plus que leurs collègues et que leurs charges sont les plus lourdes notamment dans la cadre de la permanence des soins.

-           L’autre motif c’est l’activité libérale si elle existe et les différences supposées de revenus.

Entre praticiens hospitaliers porteurs d’une responsabilité de chef de service et praticiens hospitaliers :

La notion même de chef de service est ambigüe. Elle peut faire supposer que le porteur de cette fonction est investi d’un titre et d’un pouvoir de commandement ; il n’en est rien ! Il est porteur d’une responsabilité d’organisation des activités médicales, pharmaceutiques ou odontologiques et ne peut user que de la persuasion pour partager et développer le projet médical du service connu de tous. Il y va de même pour les injonctions d’objectifs émanant du chef de pôle, du Président de la CME, des Directions fonctionnelles, du Directeur Général de l’établissement, des services de l’ARS et de son Directeur Général, de la DGOS, de la DGS  et, dans une certaine mesure, du Ministre de la Santé ! Il est certain que ces injonctions peuvent être paradoxales et qu’elles sont mal connues du praticien si ce n’est du chef de service, et encore, et elles sont donc médiocrement mises en œuvre.

La notion de chef de service peut être surinterprétée par celui qui porte cette responsabilité et lui faire supposer, souvent par manque de connaissance déontologique, qu’il est investi d’un pouvoir hiérarchique.

Cette surinterprétation peut également être opérée par le Praticien Hospitalier qui pense être soumis à l’autorité hiérarchique du chef de service. Plus il pense que cette autorité est forte, plus il agira contre jusqu’au blocage des rapports interpersonnels qui peuvent mettre en péril l’organisation des soins, voire même leur qualité et leur sécurité.

Ces rapports difficiles peuvent être exacerbés dans les services « universitaires ». Les Professeurs des Universités-Praticiens Hospitaliers (PU-PH) et, beaucoup plus rarement les MCU-PH, peuvent (exceptionnellement !) avoir l’impression d’une appartenance « nobiliaire » qui confère aux praticiens non universitaires un statut de « vassal ».

La nomination à des fonctions de responsabilités est très souvent à l’origine de conflits car elle est souvent assimilée à l’obtention de pouvoirs pourtant plus fantasmagoriques que réels.

La mobilité sur ces responsabilités est insuffisante, le retrait d’une responsabilité est considéré comme une punition infâmante et on parle de succession lors d’un changement de chef de service comme s’il s’agissait d’un règne.

Ces responsabilités devraient faire l’objet de valences contractualisées avec des objectifs, une durée, des modalités d’évaluation et d’éventuelle reconduction.

-          Dans le cadre des pôles ou de l’établissement dans son ensemble, les conflits

interpersonnels sont plus rares et font plus souvent place à des conflits institutionnels et/ou entre groupes (anesthésistes/chirurgiens par exemple !).

 

2-Les conflits entre Praticien Hospitalier et Directeur d’Hôpital

Ils sont moins fréquents. Si aucun établissement n’est épargné on peut les estimer à quelques unités dans les petits établissements à quelques dizaines dans les gros.

Leur origine n’est que très rarement un différend initial entre praticien et directeur. Il s’agit le plus souvent d’un conflit entre praticiens au cours duquel un directeur a pris fait et cause pour l’une des parties, en général quand elle est détentrice d’une autorité fonctionnelle. Il s’ensuit alors un conflit long, difficilement réparable, générateur de multiples sous conflits. Ils laisseront tous des séquelles et des conséquences parfois graves et peuvent être à l’origine de drames personnels.

Les droits statutaires et de droit commun sont mal connus des praticiens ; les directeurs surinterprétent souvent leurs pouvoirs se référant à une loi HPST pourtant très amendée par des textes successifs aussi nombreux qu’inconnus.

Ces conflits ont pour caractéristiques d’être longs, masqués ; lorsqu’il existe des brimades itératives, elles laissent penser au praticien qu’il est victime de harcèlement. Les recherches de conciliation arrivent le plus souvent trop tard. La qualité, voire la sécurité, des soins dans ce contexte sont évidemment mises en péril : comment travailler bien lorsqu’on n’a plus l’esprit libre.

On est alors sur la voie de la démotivation, de la dévalorisation, ce qui caractérise le burn-out, ou sur celle d’une opposition forte souvent médiatisée.

La dégradation réelle ou supposée de la qualité et de la sécurité des soins autorise le directeur à suspendre le praticien pour une partie ou la totalité de son activité.

Il a alors réglementairement 48 heures pour en avertir l’ARS, et surtout le CNG, qui vont prendre la main et initier une enquête. L’enquête confirme ou non le bien-fondé de la suspension : soit la justification paraît suffisante à la Direction Générale du CNG qui confirme la suspension et démarre une procédure disciplinaire ou d’insuffisance professionnelle, soit la suspension ne paraît pas justifiée et elle est alors levée. Le praticien reprend donc son activité. Toutefois rien n’est fait en général dans ce cas de figure pour aider le praticien à reprendre son activité, la rancune persiste entre les parties et l’image professionnelle du praticien incriminé n’est pas restaurée.  

3- Les conflits générés par des impératifs financiers :

Le Directeur Général d’hôpital doit assurer l’équilibre financier de son établissement. « Mon établissement va bien il est à l’équilibre ! »

C’est principalement là-dessus qu’il est évalué et qu’il se voit attribuer la part variable de sa rémunération.

Les conflits liés aux impératifs financiers concernent plus souvent plusieurs membres de l’équipe de l’activité concernée par le déséquilibre financier. Au départ il s’agit de petites vexations, de refus d’investissement, de frilosité pour le remplacement d’un départ ou de raréfaction des moyens paramédicaux ou de secrétariat. Tout peut être bon pour démotiver et faire partir le(s) praticien(s) et diminuer à la fois l’attractivité pour les praticiens et pour la patientèle.

Les jeunes praticiens ne postulent plus dans cet établissement ou l’équipe concernée, les milieux de carrière s’enfuient et les plus âgés, démotivés, déconsidérés et sans respect pour les services rendus, peuvent faire l’objet de pressions pour un départ anticipé ou de menaces de procédure d’insuffisance professionnelle.

Parallèlement les chefs de services se voient imposer des objectifs d’activité impossible à réaliser faute de moyens ou à cause d’une réputation dévalorisée.

Ce contexte conduit évidemment soit à des conflits longs avec un volet d’actions juridiques soit à des situations de burn-out.

 

Que faire ? Le règlement d’un conflit doit être rapide !

  1. Le praticien doit souscrire une couverture assurantielle et juridique dès sa première prise de poste jusqu’à son départ à la retraite. Cette couverture palliera la lenteur (ou la difficulté) à obtenir la protection fonctionnelle que l’Administration doit à tout agent public dans l’exercice de ses fonctions.
    Le praticien ne doit pas rester seul dans son conflit, il doit en parler dans son entourage professionnel et familial avant que la situation ne se dégrade. Dans ces démarches le praticien peut solliciter l’appui de son syndicat professionnel et en particulier de l’INPH.
  2. Le praticien doit demander rapidement une conciliation dans son établissement. Les CME ont dans la plupart des établissements mis en place des « commissions de la vie hospitalière » que le praticien peut solliciter.
  3. En cas de non résolution du conflit le praticien doit rapidement saisir la sous-commission de prévention et de résolution des conflits rattachée à la Commission Paritaire Régionale (CRP) au niveau de l’ARS.
    L’enkystement du conflit dans l’établissement est catastrophique. L’intérêt à le « dépayser » est majeur dès que l’échec de la conciliation interne est constaté.
  4. En cas de conflit entre le praticien et la direction de l’établissement, le praticien doit alerter son autorité hiérarchique à savoir la Directrice Générale du CNG sans pour autant surestimer les possibilités (en droit et dans la pratique) d’intervention du CNG dans le fonctionnement d’un établissement.
  5. En l’absence de solution, le praticien hospitalier doit s’adresser à l’autorité de recours qui est assurée par le médiateur national au niveau du Ministère de la Santé.
  6. Et envisager le recours à une action juridique auprès du Tribunal Administratif en première instance et au Conseil d’Etat en cas de premier jugement défavorable.

 

Quel rôle pour l’INPH, l’Inter-syndicat National des Praticiens Hospitaliers ?

  1. Informer le praticien sur son statut, ses droits et les risques de la situation,
  2. Participer à rompre l’omerta sur la situation du praticien,
  3. Rechercher avec le praticien les solutions possibles localement et envisager les mobilités.
  4. Le conseiller sur l’accompagnement médical et psychologique éventuel,
  5. Apporter un appui dans les étapes de dépaysement régional ou national du conflit.

L’INPH est fermement et constamment engagé avec les Praticiens Hospitaliers pour la prévention et la résolution des conflits au niveau local, régional et national