La chirurgie ambulatoire à l’hôpital public.

POSTURE ET IMPOSTURE,
l’INPH se questionne !

Qui aurait l’idée de ne pas rentrer chez lui après avoir bénéficié du traitement chirurgical d’une cataracte ou d’oreilles décollées ?

Voilà maintenant plus de 20 ans que la « chirurgie ambulatoire » ou plutôt la chirurgie sur « patients en ambulatoire » est devenu un mode de prise en charge dont le bien-fondé ne fait plus débat et est apprécié par les opérés.

Quelles sont les raisons du retard de l’offre des établissements publics en la matière alors que nombreux établissements de soins privés ont développé cette pratique ?

Parmi ces raisons on pourrait retenir que les établissements privés lucratifs y ont vu une occasion d’attirer  une patientèle, d’élargir leur recrutement, quand les établissements publics de santé vivaient la transformation de certains de leurs lits comme une atteinte à leur potentiel d’activité à laquelle s’ajoutait le risque de sanctions financières de la part des organismes payeurs.

Si le bénéfice apporté au patient a pu être le primum movens de la mise en place puis du développement de la chirurgie ambulatoire, l’INPH craint que les impératifs croissants d’économie en matière de dépenses de santé l’aient transformé en posture voire en incantation :

Il faut « faire de l’ambulatoire ». Le ministre l’a dit au directeur de l’ARS qui l’a dit au directeur d’établissement qui l’a dit au responsable de pôle qui l’a dit au responsable de structure. Exécution !


G Parmentier, vice-président et membre fondateur de l’Association française de chirurgie ambulatoire (AFCA), énonçait dès 2001, le concept d’organisation que suppose la pratique de la chirurgie ambulatoire :

  • Une chirurgie programmée à faible risque hémorragique, à suite simple et à douleur post opératoire facilement contrôlable ;
  • Des techniques d’anesthésie réanimation permettant le réveil et le recouvrement de l’autonomie dans les horaires impartis ;
  • Des procédures d’organisation reposant sur la gestion du flux ;
  • Des procédures qualité et gestion du risque qui mettent en œuvre des techniques d’évaluation adaptées ;
  • La sélection des patients sur critères multiples non exclusivement médicaux ;
  • L’insertion du généraliste dans le processus, en particulier pour l’évaluation pré opératoire des conditions psychosociales et environnementales du patient ;
  • Des équipes de chirurgies, d’anesthésie, de soins et d’administratifs plus qualifiées que la moyenne ;
  • Des protocoles spécifiques de sélection, d’intervention et de suivi ;
  • Des locaux spécifiques… »

Chacun des items de cette énumération interpelle l’INPH :

  • « La chirurgie programmée à suite simple » : le concept recouvre l’ensemble des actes traceurs initialement identifiés par les différentes sociétés scientifiques de spécialité.
    Est-ce la pression économique ou l’effet de mode qui en a fait élargir le champ ?
    Avons-nous vraiment envie de rentrer à la maison après une colectomie ?
    Les suites immédiates d’une cure de hernie inguinale sont-elles si confortables qu’elles permettent le retour immédiat à domicile ?
    Et que dire de l’expérience de ce chirurgien orthopédiste, adepte de la prothèse de genou en ambulatoire, quand il a découvert, devenu l’opéré, ce que représentait le fait de devoir se déplacer même dans un environnement familier avec un seul genou valide et indolore sans préparation préalable (béquillage…) ?
  •  Les techniques d’anesthésie-réanimation permettant le recouvrement rapide de l’autonomie  doivent aussi s’appliquer à la chirurgie conventionnelle.
  • Les procédures d’organisation de la gestion du flux , les procédures de qualité et gestion du risque  s’appliquent à toute structure chirurgicale.
  • La sélection des patients sur des critères non médicaux : Outre le fait que nous devons en la matière faire confiance aux déclarations des patients, certains contextes sociaux sont en eux-mêmes des obstacles à la propagation de cette de prise en charge. Ainsi, à Paris, selon l’INSEE, 50,7 % des familles sont monoparentales. Les parents en question ne sont donc a priori pas éligibles à la chirurgie ambulatoire.
  • L’insertion du généraliste dans le processus : avec quels moyens et quelle reconnaissance ?
  • « Des équipes… plus qualifiées que la moyenne ». Il y aurait donc une chirurgie à plusieurs niveaux de compétence ! Cette opposition n’est pas acceptable, écrite ailleurs sous une autre forme affirmant que cette chirurgie est à réserver aux chirurgiens seniors pour ne pas désorganiser la gestion du flux. On priverait donc ainsi les plus jeunes de la meilleure formation dans le domaine de prédilection de leur exercice futur.
  • « Des locaux spécifiques » : « Constitue probablement l’obstacle majeur au développement de la chirurgie ambulatoire ».

C’est là que l’INPH craint l’imposture. Ne serions-nous pas devant une nouvelle injonction paradoxale : Faites de la chirurgie ambulatoire mais avec les moyens du bord ! :

  • Le contexte social n’est pas toujours éligible, voire de moins en moins ;
  • Les moyens matériels parfois inadaptés sont volontiers empruntés à la chirurgie conventionnelle.
  • Le médecin généraliste en grande difficulté démographique est rarement informé de cette prise en charge et n’a ni le temps ni la reconnaissance de cette activité de suivi ;
  • L’absence de dossier médical partagé ;
  • L’absence de structures d’hébergement hors hôpital qui permettraient aux patients habitant loin de rester à proximité lors de la première nuit. Ceci suppose aussi la participation des organismes payeurs ;
  • L’insuffisance des « aides à la vie » de toutes sortes capables d’assister l’opéré à son retour à domicile. Les dispositifs à type de « récupération rapide chirurgie » (RRA) ou « récupération améliorée après chirurgie » (RAAC) restent encore insuffisants. Et ces dispositifs doivent s’appliquer à tous les opérés ;

Et pourtant l’INPH affirme que la chirurgie ambulatoire et la récupération accélérée après chirurgie constituent des progrès majeurs de la prise en charge chirurgicale. Ces procédures impliquent une réflexion sur la qualité et la sécurité de chacune de leurs étapes et sur l’anticipation des problèmes et complications :

  • En pré opératoire il s’agit de faire le point non seulement sur la pathologie chirurgicale mais également de s’intéresser aux pathologies associées et d’en prévenir les conséquences sur le déroulement et les suites de de la chirurgie.
  • En préopératoire il s’agit de faire le point sur les aidants familiaux (et les conditions de vie) de l’opéré et sur le possible recours au médecin traitant et aux intervenants paramédicaux nécessaires : infirmiers, kinésithérapeutes…
  • En per et post opératoire immédiat nul ne peut nier les progrès induits par le concept de la chirurgie ambulatoire sur les techniques chirurgicales et anesthésiques.
  • En post opératoire immédiat, la question de la première nuit ne doit pas être ne doit pas être balayée par un extrémisme ambulatoire. Un hébergement non médicalisé à proximité immédiate du lieu d’intervention permet non seulement un recours hospitalier en cas de besoin et limite les transports pour l’éventuelle consultation spécialisée du lendemain.
  • En post opératoire une information préalable à l’acte chirurgical du patient et des intervenants de santé, un courrier de sortie et des prescriptions claires sont autant d’éléments de qualités et de sécurité diminuant les risques de complications et de ré-hospitalisation.

  • Cette amélioration de la qualité et de la sécurité est source d’économies importantes et est la meilleure promotion de l’ambulatoire à destination des hospitaliers.

    L'INPH souligne que tout ceci réclame du temps médical, soignant et de secrétariat plus que des structures spécifiques.

    Ce sont bien les moyens qui manquent et cette injonction à l’ambulatoire consiste trop souvent à mettre la charrue avant les bœufs.

    Ainsi à la question posée au chirurgien par la direction de l’établissement hospitalier « Quels sont vos objectifs en chirurgie ambulatoire pour l’année à venir ?», n’oublions pas de répondre « Quel est votre engagement pour son développement ? ».

    L'INPH soutient que l’engagement ne peut reposer que sur les seules équipes médicales. Elles ont certes le savoir-faire mais elles n’ont ni le faire-savoir ni l’environnement capables de les aider à porter les exigences quantitatives auxquelles on veut les soumettre.