Colloque du 05 juin 2013 : "Du Pacte de Confiance à la Stratégie Nationale de Santé"

1/ Discours du Docteur Rachel BOCHER, Présidente de l'INPH « Du Pacte à l'Acte »

Comme chaque année notre colloque permettra – notamment par ses débats et par ses abstracts – de figer un cadre de travail pour les mois à venir. Ce sera l'occasion de synthétiser nos attentes telles qu'elles remontent du terrain, et de vous transmettre en direct Madame La Ministre les messages reçus, souvent témoins d'une reconnaissance pour ce que vous avez entrepris, mais faits aussi d'impatience, d'incompréhension, de tensions parfois même, notamment au regard de certaines stagnations répertoriées qui indisposent, pas toujours injustement, à l'égard de votre politique.

 

Vous avez donné la ligne : le pacte de confiance et je salue Monsieur Edouard COUTY ainsi que Danielle TOUPILLIER qui présidaientt les groupes.
Madame la ministre vous avez fixé le cap: la stratégie nationale de santé
Il vous reste à arrêter le calendrier, pour qu'avant la fin de ce quinquennat nous ayons la mesure du chemin parcouru.
Vous avez dit : nous avons tourné la page de la loi HPST
Ecrivons ensemble la page suivante.
Beaucoup a été entrepris depuis quelques mois.
Votre Ministère, sous votre autorité n'est pas resté inerte.
Mais enfin, conscients que la confiance est parfois invisible nous voici lancés dans un pacte.

 

Pacte avez vous dit : nous avions été surpris du choix de ce mot.

 

En effet, « la notion de quelque chose de juste me semble – disait Voltaire - si naturelle, si universellement acquise par tous les hommes, qu'elle est indépendante de toute loi, de tout pacte, de toute religion ».

 

Rousseau ponctue par ces mots : « on convient que tout ce que chacun aliène, par le pacte, fut-il social, de sa puissance, de ses biens, de sa liberté, c'est seulement la partie de tout cela dont l'usage importe à la communauté. »

 

Notre prendrons avec vous le parti de réconcilier Voltaire et Rousseau.
Quoiqu'il en soit la santé publique n'est pas aliénable, ni aliénante : son usage importe à la communauté.

 

Partant, nos engagements professionnels et syndicaux, nous conduisent à l'impatience, forcément.

 

Vous disiez il y a peu, Madame la Ministre, qu'il fallait – je vous cite - « promouvoir des services publics hospitaliers modernes à la hauteur des enjeux de santé publique du 21ème siècle, répondant aux attentes des patients et au sein duquel les compétences et l'engagement des professionnels qui font toute sa valeur soient reconnus ».

 

Nous validons ces propos qui nous interpellent au regard des initiatives intervenues depuis.
A l'INPH, comme dans la communauté des professionnels de santé, nous attendons des actes concrets, sur les dossiers essentiels pour notre exercice. Attentes que je ne vais pas rappeler ici car elles vous sont connues.

 

Au nombre de ces attentes, il y a différents textes que nous aborderons lors de la première table ronde, notamment la remédicalisation de la gouvernance.
Il y aussi notre attente pour une association plus étroite à l'élaboration des textes qui nous concernent, ce qu'en des temps pas si lointains, on nommait un dialogue social nourri mis en œuvre par des ministres de la même sensibilité que la vôtre.
J'évoquerai notamment l'organisation en pôles, la T2A, ou la mission concernant les ARS.

 

Le rôle d'un intersyndicat, fut il le premier d'entre eux comme l'est l'INPH ne peut pas être seulement le volet revendicatif. Il doit incarner aussi que le volet participatif.

 

Il y a là une vraie attente, Madame la Ministre, un signal fort de votre part, pour renouer avec une pratique ancienne, interrompue dans les années plus récentes, mais qu'il conviendrait de réanimer.
Ce signal fort de votre part envers notre profession serait notre intégration dans les différentes instances et strates qui travaillent à la modernisation de notre outil de travail. Cela serait ressenti, soyez en assurée, comme un signe d'écoute, de bienveillance et d'efficacité pour construire demain, chacun connaissant sa place et son rôle.

 

Notre service public souffre.
Il doit se rénover.
Il doit être rénové.
L'INPH dans ses travaux annuels territoriaux a recensé au moins cinq questions qui ont déjà été portées à votre connaissance, citées ici pour mémoire :
- Qui organise le service public hospitalier : l'ARS est elle notre alliée naturelle ? Quid de l'organisation interne et de la place du médecin dans le dispositif ?
- Quel est le champ du service public hospitalier ? S'il devait être limité aux missions de service public sans un spectre élargi à l'ensemble des activités concourant à la prise en charge des patients ?
- Ne serait il pas temps de réintroduire la notion de service public hospitalier et de nouer ou de retisser nos liens avec les différents secteurs ambulatoires, sanitaires, et médico-sociaux, abandonnant définitivement le cliché de l'hôpital replié sur lui même
- Posément, en adaptant nos attentes aux contraintes du contexte économique comme tout acteur responsable, il faut nous interroger sur les modes de financement du service public hospitalier, pour faire face avec efficacité aux nouveaux défis qui s'inscrivent sur notre horizon.

 

- Enfin bien entendu la dimension européenne - influence du droit communautaire nous interpelle aussi au quotidien.

 

Un an après votre nomination à la haute fonction qui est la vôtre nos attentes restent fortes sur vos paroles et sur vos actes, même si nous reconnaissons bien volontiers le travail accompli que ce soit sur les déserts médicaux ou sur l'activité libérale, et la sortie de la quasi totalité des textes du protocole d'accord cadre de janvier 2012.
Tout cela hélas ne rend pas à nos carrières l'attractivité qui devrait être la leur. Les plus jeunes nous le confirmeront.

 

C'est pourquoi je fais le pari que les attentes de mes collègues étaient et sont encore à un autre niveau : celui d'une vraie rupture avec la politique hospitalière antérieure.
Le calendrier ne nous est pas connu, le cap semble trop lointain.

 

Ici à l'INPH, Madame la Ministre, comme je vous l'ai dit souvent, nous tenons le langage direct le plus proche de la vérité et de la transparence associées.

 

Alors je vous le dis : Nous sommes impatients.
Et j'ajoute : inquiets
Et je vous le demande : Rassurez nous !

 

Nos carrières n'ont pas les évolutions intellectuelles et économiques attendues : l'installation du statut à valences contractuelles, qui, même si elle semble être admise, tarde à trouver son application.

 

Nous l'évoquions avec votre équipe, autour de Monsieur François CREMIEUX, ou avec Madame Eve PARIER notamment : la responsabilité médicale est indissociable de la confiance : confisquer l'une c'est attaquer la seconde.
Nous restons donc très mobilisés sur cette question de confiance comme source d'indépendance professionnelle.

Les CME vont revoir très prochainement leurs missions et leurs compositions pour redonner à cette instance un rôle décisionnel et prépondérant dans l'organisation des soins ainsi que les commissions paritaires régionales (CPR). C'est un excellent signal.
Madame la Ministre, vous avez souhaité convoquer la confiance.
Vous l'avez, car rien, pas même les différences politiques ne justifieraient qu'elle vous soit refusée.
Encore faut il qu'elle soit solide, ou pour mieux dire, qu'elle soit durable.
Un an a passé
Un an !
Les correctifs à la loi HPST seront ils apportés ?
La mode des regroupements en MEGAPOLES, aussi inefficaces qu'onéreux et chronophages, finira-t-elle par passer pour retrouver nos « hôpitaux soignants » et non trop inutilement confiscatoire de ce lien particulier qui nous relie à nos patients.

 

Ce bref propos me conduit en conclusion à solliciter votre adhésion pour que nous veillions ensemble à la défense de la dimension humaine, égalitaire, solidaire de nos actions soignantes.
Elle s'évapore et les patients souffrent dans leur parcours.
Cela n'est plus admissible.

 

2/ Réponse de Marisol TOURAINE, Ministre de la santé et des affaires sociales

 

"Nous sommes à un moment où les poupées russes, sont sur la table ; Nous sommes en train de les emboîter. Il y a la vision d'ensemble d'une médecine qui doit se structurer autour des parcours, fil conducteur de la stratégie nationale de santé et qui sera inscrite dans une loi discutée en 2014. Le statut doit être mieux adapté aux attentes nouvelles des jeunes qui s'engagent dans votre profession."

 

Marisol TOURAINE veut ouvrir une réflexion sur le statut de praticien hospitalier

 

La ministre des affaires sociales et de la santé, Marisol Touraine, souhaite qu'il y ait une réflexion sur le statut de praticien hospitalier, a-t-elle déclaré en ouverture du colloque.

 

La Ministre a insisté sur la nécessité de garantir l'attractivité de l'exercice médical à l'hôpital en favorisant le travail en équipe, en développant des passerelles entre spécialités médicales, la volonté de mieux concilier vie professionnelle et vie personnelle en évoquant la féminisation des étudiants en médecine, le souhait de travailler davantage en équipe.

 

Marisol Touraine entend également mieux anticiper les problèmes de démographie des professionnels de santé à l'hôpital. "Il y a des difficultés dans certaines disciplines comme la psychiatrie, la chirurgie et la radiologie mais pas nécessairement pour les mêmes raisons ».

 

Madame La Ministre a rappelé qu'elle avait demandé à chaque agence régionale de santé (ARS) de mener un diagnostic des ressources humaines de santé de leur territoire que ce soit les médecins ou les paramédicaux, pour pouvoir identifier les priorités d'intervention. « Les commissions régionales paritaires (CRP) relatives aux médecins hospitaliers, qui vont être réactivées verront leurs compétences renforcées et pourront proposer des actions pour améliorer l'attractivité des établissements. En outre le décret qui revalorise la retraite des Professeurs d'université praticiens hospitalier (PU-PH) est signé ce jour ».

 

Le décret CME signé "cet été" et révision "nécessaire" du numerus clausus

Marisol Touraine a rappelé le travail qui a été fait, notamment la restauration de la notion de service public hospitalier, et le travail qui reste à faire. Se référant aux réflexions menées au sein des groupes de travail qui conduisent la stratégie nationale de santé, Marisol Touraine a appelé de ses vœux l'instauration d'un "système nouveau qui ne ressemblera pas au précédent sans lui être étranger. C'est un système fondé sur l'excellence et la solidarité, les deux piliers du Pacte républicain ».

 

Ce nouveau système de santé devra s'adapter aux mutations de la société que sont le vieillissement de la population, le développement de maladies chroniques et des inégalités de santé. « La médecine de parcours répondra à nombre de défis. Il faut s'adapter aux besoins des patients et non des structures."

 

Des réformes sont en cours et un calendrier a été précisé.
- Un groupe de travail présidé par Jean Debeaupuis, directeur général de l'offre de soins, devra remettre ses conclusions à la ministre sur la réforme de la T2A en juillet.
Le nouveau mode de financement devra prendre en compte la qualité mais aussi la situation d'hôpitaux isolés.La réforme de la T2A sera prise en compte dans le prochain Projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) 2014.
- Le premier groupe de travail du Pacte de confiance, en charge des réflexions sur le service public hospitalier, présidé par Bernadette Devictor devra poursuivre ses réflexions sur la définition du service public territorial de santé et rendre ses conclusions d'ici quelques mois.
La notion de service public hospitalier rénové sera quant à elle définie dans la loi de santé publique qui devrait être débattue début 2014.

 

Au sujet des praticiens hospitaliers.

 

Marisol Touraine a annoncé très certainement signer le décret sur la réforme de la Commission médicale d'établissement (CME) "cet été". ;elle a rappelé sa volonté de renforcer la cohésion de la communauté hospitalière et d'améliorer sa gouvernance. Elle a également trouvé "nécessaire de revoir le numerus clausus » en concert avec Geneviève Fioraso, ministre de l'Enseignement supérieur et la Recherche, sur la réforme de la formation initiale,

Madame La Ministre Marisol TOURAINE a défendu son bilan comme lors des salons de la santé et de l'autonomie face aux critiques de la Fédération hospitalière de France et listé les différents textes et négociations prévues pour les mois à venir.

Elle a assuré que les organisations syndicales seraient étroitement associées aux chantiers de clarification du fonctionnement des pôles, à partir des conclusions de la mission confiées aux conférences hospitalières et qui devraient lui être remises d'ici à la fin 2013.

 

"Les actions issues du pacte de confiance doivent permettre aux praticiens hospitaliers d'être les porteurs de la stratégie nationale de santé". Marisol TOURAINE

 

Par sa présence au colloque de l'INPH la Ministre a permis une expression et une écoute réciproques. Elle a marqué ainsi sa considération pour les praticiens hospitaliers et le syndicalisme médical.
Il reste à placer les Inter-Syndicats de praticiens hospitaliers comme des acteurs à part entière de la Stratégie Nationale de Santé en leur permettant de s'exprimer pleinement dans les groupes de travail qui vont en proposer la construction.
L'INPH revendique la première place des professionnells de santé comme force de propositions dans l'élaboration d'un système de santé d'avenir, ouvert et moderne.